Lorsque qu’a commencé le mouvement des gilets jaunes en France, le 17 novembre dernier, en bon français, j’ai commencé à râler…encore des perturbations, des empêchements de circuler, de faire ce que j’avais prévu…..si vous saviez le nombre d’heures de travail que j’ai perdues dans des mouvements de grève, des blocages, des manifestations…. (Il faut préciser que j’exerce mon métier comme indépendant). Bien vite cependant, j’ai ressenti un mélange de sentiments qui m’empêchaient de prendre du recul.
La trêve de Noël est propice à la réflexion et mon âge me donne une sorte de permission de partager ce qui me semble important, comme une contribution au débat national qui va s’installer. Au fond, ce mouvement qui a des échos dans de nombreuses parties du monde, fait apparaître plusieurs niveaux de lecture qui appellent à des prises de conscience et sans doute à des inflexions politiques majeures. Dans le monde occidental, le mythe du progrès s’est fracassé sur la technologie, la limite des ressources de notre planète, les conséquences des modifications du climat, la mondialisation, la crise du capitalisme financier, la faillite des partis politiques traditionnels et des corps intermédiaires, la montée des extrémismes, des populismes et des radicalismes, de nouvelles ouvertures de conscience aux plans individuels et sociaux (besoin de respect, de dignité, d’équité, de paix..). Nous avons besoin de « nouveaux projets » qui tiennent à la fois compte de ce qui est universel pour le vivant et les êtres humains et aussi de ce qui fait nos différences individuelles (personnalités) et collectives (cultures). Il est nécessaire de préparer le terrain de ces changements et de « nous y préparer » tant il est avéré que sans préparation des esprits et du terrain les projets restent au niveau des intentions. De quoi nous parle ce mouvement des gilets jaunes ?Un fait social comme le mouvement des gilets jaunes recouvre plusieurs niveaux de réalités. Il est possible d’en identifier au moins cinq : les revenus, la richesse, la relation Autorités/Citoyens, la question des flux migratoires, la violence. Les revenusLes revenus, ce sont eux qui permettent de vivre au quotidien. Malgré tous les amortisseurs sociaux de notre pays (et nous sommes bien conscients qu’ils sont parmi les plus élevés au monde), la situation n’est plus acceptable en l’état. Voici quelques propositions
La richesseSelon plusieurs sources : 1% de la population possèdent 50% de la richesse mondiale ; en France, même si cette proportion est moins marquée, on note le même déséquilibre. S’il est légitime que chaque humain puisse accumuler un certain niveau de richesse, ne peut-on pas mieux organiser la répartition de cette richesse ? Et plus encore, est-ce pertinent de laisser la richesse aux mains de quelques-uns ? La richesse pourrait-elle être un bien commun et appartenir à la collectivité (un pays par exemple) et son utilisation confiée à des gestionnaires et des politiques intègres ? Les bénéfices de telles mesures seraient d’enrayer définitivement les investissements hors de l’économie réelle et de créer un sentiment social d’équité c’est-à-dire créateur de paix et donc de développement. La relation Autorité/CitoyensL’apparition d’une demande de Référendum d’initiative citoyenne (RIC) est à mon avis significative d’une appétence à faire évoluer les rapports entre les citoyens et leurs représentants, mais aussi avec les administrations toutes puissantes en France. C’est sans doute un des effets de l’ouverture des réseaux sociaux qui facilitent les relations à parité et permettent à chacun de s’exprimer et même parfois d’être entendu. Le centralisme français, le refus systématique de réformer un mode de représentation qui a été taillé sur mesure pour faire face à une situation spécifique et à la personnalité du Général de Gaulle empêche la prise en compte des initiatives locales. Malgré toutes les améliorations et adaptations, notre Constitution doit être réformée. Au-delà de ce chantier, c’est bien la relation que nous entretenons avec nos autorités qui est à interroger. Les cris de « Macron démission » sont illustratifs de la personnalisation excessive de l’autorité. Non, il n’est pas le seul responsable de la situation ni d’ailleurs leur seul tout puissant pour la résoudre. Et le sentiment d’être « au-dessus des autres », supérieur, manifesté par la plupart des figures politiques de l’après-guerre devient absolument inacceptable. Les flux migratoiresLa manière de gérer les flux migratoires qui s’imposent à nous et qui continueront à exister, tant notre pays (comme d’autres) peut représenter un refuge pour des « persécutés », un paradis pour des « pauvres », un idéal pour des « aventuriers »… Notre pays ne peut pas recevoir tout le monde, mais au moins doit-on organiser un débat national, montrer les conséquences humaines, sociales et économiques, et décider de critères assez clairs à communiquer largement. Et en plus, mettre en place des programmes de préparation à recevoir des personnes de cultures différentes ; ce n’est pas inutile en ce moment.. La violenceNous le savions déjà ; chaque manifestation peut donner lieu à l’expression de violences de la part des participants. Depuis les années 90, des activistes issus de mouvances libertaires, des extrémistes de droite ou de gauche, mais aussi des terroristes se réclamant de mouvement religieux ont commencé à réaliser des actions violentes y compris sur des populations civiles en justifiant la violence comme seule solution de transformation de la société….mais pour quelle nouvelle société si ce n’est un système autoritariste ? Quelles solutions face à la violence, à la barbarie, au terrorisme ? Doit-on l’accepter comme un aléas, une réalité intangible ? Doit-on la combattre avec force ? Pour le moins, voici encore un point à envisager largement en prenant en compte l’avis des spécialistes mais aussi celui des citoyens. La violence est inacceptable dans une démocratie et il convient bien de distinguer une manifestation, le fait de se laisser entraîner par un mouvement de foule et la violence délibérée avec l’intention de renverser les autorités de façon non démocratique . La violence est résistible si on la considère comme un manque à symboliser, c’est-à-dire un manque de réalisation psychique et sociale. Une perspective derrière les ronds pointsLe traitement à court terme de ces questions va demander beaucoup d’argent pour la collectivité, de la patience pour nous tous, citoyens et du courage politique pour les dirigeants de nos institutions. Il va nécessiter aussi une vigilance accrue pour ne pas sombrer dans les dérives qui mettraient à mal la démocratie. Mais le plus grand courage pour nous tous va être de penser le temps long pour faire face à l’avenir. Les évolutions nécessitent du temps (au moins une génération pour installer des changements majeurs). Les chercheurs (scientifiques et sociaux) peuvent avoir une « claire voyance » ; si celle-ci est accompagnée de la malédiction de Cassandre (ne pas être crue), elle ne sert à rien. Chacun à sa place peut contribuer à faire circuler la parole pour nous éclairer mutuellement des évolutions indispensables et de la nécessité de sortir de l’immédiat. Car, au-delà de ces constats, ne faut-il pas nous interroger sur la manière d’éduquer nos enfants ? Depuis bien longtemps, notre système éducatif est basé sur 3 sentiments liés à la peur : la honte, la culpabilité et la coercition. Pour quel résultat ? Les jeunes têtes qui sortent de nos grandes écoles et de nos universités sont bien pleines…pour autant sont-elles épanouies et rayonnent-elles la joie ? Sont-elles efficaces dans leurs engagements ? Sans doute en partie, mais les marges de progrès semblent tellement immenses. Et, que dire alors de celles et ceux qui sortent du système scolaire sans diplôme ou avec une formation de faible niveau ? N’est-ce pas parce que nous n’arrivons pas à trouver notre unité humaine que nous vivons dans un processus de consommation effrénée et compulsive (de produits divers mais aussi, de médicaments, d’alcool, de drogues..) dont l’objet est de lutter contre nos peurs existentielles et nos angoisses ? Et ces failles sont largement exploitées par certains systèmes de médias, de publicité et de marketing utilisant nos données personnelles avec un cynisme décomplexé. Mon avis est que nous devons organiser dès maintenant un nouveau modèle éducatif basé sur l’autonomie, le respect de soi et des autres, les valeurs de paix et de fraternité. Il ne s’agit plus d’afficher ces valeurs, mais de les vivre vraiment, de les faire grandir à l’intérieur de soi. Cela veut dire qu’à tous les niveaux du système éducatifs, on doit enseigner, faire réfléchir, récompenser les comportements adéquats. Et cet enseignement doit inclure des temps hors du temps habituel, des pauses, des mises en attente pour aller vers soi (un Soi toujours en devenir) pour se construire, se préparer à la relation aux autres et au monde. C’est la garantie que ce mode éducatif pourra inclure à la fois le mental, le corps, le cœur et pour ceux qui y croient, l’âme. Cela donnera des résultats dans quelques années de la même façon que les enfants d’aujourd’hui sont devenus conscients des enjeux écologiques et agissent en conséquence. Et ce modèle éducatif sera la base d’une relation sociale différente et d’un modèle socio-économique fondé sur une consommation raisonnée et non compulsive (frugalité), et dans lequel l’argent est un moyen et non un but ; par exemple, il est investi dans l’économie réelle au service des Hommes. Dans un monde idéal et la spéculation est limitée voire interdite puisqu’elle renforce la cupidité et l’avidité qui maintiennent les gens dans la peur. Nous sommes à un tournant de l’Histoire et même de la démocratie. A titre d’exemple, certains électeurs se détournent du jeu démocratiques par l’abstention et d’autres migrent vers des partis populistes et autoritaires. Nous avons déjà essayé :
Celles et ceux qui ont fait un chemin de sagesse, quel qu’en soit l’orientation ou l’origine, savent qu’il est possible :
Ces étapes émergentes de la vie sociale (la Force, la Loi, l’Argent, l’Harmonie…) doivent être préservées comme faisant partie de la biodiversité humaine, même si elles ont montrées leurs limites. Nous avons le droit de choisir le meilleur pour l’humanité de notre temps et des temps à venir, et le meilleurs semble être un mouvement de recherche d’une Harmonie sociale, économique, écologique, psychique, relationnelle…etc. Il est possible de passer d’une éducation de la peur de vivre à celle de la joie de vivre et particulièrement en s’appuyant sur les avancées de la science moderne et des recherches en sciences sociales. Dans nos pays occidentaux, ce mouvement de pensée, cet idéal de vie, est partagé par environ 25 à 30% de la population. Conclusion provisoireLe plaisir se vit dans l’instant, le bonheur, comme le suggère son étymologie, dépend des autres, de l’extérieur, tandis que la joie est un état d’esprit qui se construit lentement à l’intérieur de soi à travers trois étapes traditionnelles : nettoyage de nos conditionnements limitants, recherche de notre propre lumière et construction de notre unité intérieure.
Quel pays osera mettre en œuvre un tel changement qui est un investissement à long terme sur le développement d’un monde vraiment meilleur. J’ai envie que le France soit ce pays. Jacques Moreau – janvier 2019
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AuthorMoreau Jacques Archives
August 2020
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